mercredi 2 décembre 2009

De quelle couleur est Daniel Cohn-Bendit ?




Histoire d’un vert nuancé


Il y a quelques années, une caricature parue dans le Canard Enchaîné montrait les principales figures du mouvement écologiste français à qui on posait la question : de quelle couleur est un Vert ? Dans cette caricature, Dominique Voynet répondait « Rouge », Noël Mamère répondait « Rose », Antoine Waechter répondait « Vert-de-gris » et Brice Lalonde répondait « Prismatique ». Pour ceux qui n’auraient pas compris, ces réponses étaient censées traduire les sympathies supposées de ces leaders, respectivement pour le communisme, le socialisme, les réactionnaires et l’opportunisme !

S’il est aujourd’hui un leader vert unanimement reconnu est France, c’est bien Daniel Cohn-Bendit qui – paradoxalement – traîne d’une époque depuis longtemps révolue le surnom de Dany-le-rouge, surnom hérité d’un temps où son radicalisme supposé comme sa rousseur avérée apparaissaient de manière plus flamboyantes.

mardi 16 juin 2009

Turkey's Policies and Holes with Regard to the Armenian Genocide in the Framework of its EU Accession Prospect


This speech was delivered at a conference on the Legacy of the 1915 Genocide in the Ottoman Empire, held in Stockholm, Sweden on the 23 March 2009.


Ladies and Gentlemen,
Allow me first to express my warmest thanks for this invitation and for the opportunity that you give me to disclose some of the aspects of Turkey’s policies and holes with regard to the Armenian Genocide.
Actually, it would have been far easier to deliver this speech ten years ago as Turkey’s policy was then straightforward and was merely consisting in the denial of the Genocide; if not in the denial of the Armenians themselves. In this regard, I would like to recall the reply of Kiazim Karabekir to Georgi Chicherin in the early 20’s: “In Turkey there has been neither an Armenia nor territory inhabited by Armenians” [1]. Since then indeed, Turkey’s policies didn’t really changed up to the eve of the 21st century. Basically, it followed the classical patterns of inconsistent denial, i.e. gross minimization, condoning, rationalisation and trivialisation. There is no need now to describe more in depth these patterns which are not specific to the denial of the Armenian Genocide but which are common to any Genocide denial: they have been extensively described by many prominent scholars, including by Mr Hovhannissian who just recalled them.

lundi 11 mai 2009

Société civile et intellectuels turcs au service du négationnisme d’Etat

Comme le dieu Wishnou, ma presse aura cent bras, et ces bras donneront la main à toutes les nuances d’opinion quelconque sur la surface entière du pays. On sera de mon parti sans le savoir. Ceux qui croiront parler leur langue parleront la mienne, ceux qui croiront agiter leur parti agiteront le mien, ceux qui croiront marcher sous leur drapeau marcheront sous le mien
Dialogue aux Enfers entre Machiavel et Montesquieu, Maurice Joly 


L’oubli, et je dirai même l’erreur historique, sont un facteur essentiel de la création d’une nation, et c’est ainsi que le progrès des études historiques est souvent pour la nationalité un danger. […] Or l’essence d’une nation est que tous les individus aient beaucoup de choses en commun, et aussi que tous aient oublié bien des choses 
Qu’est-ce qu’une nation ? Ernest Renan 


Le fait qu’au début des années 2000, un nombre significatif de Turcs aient commencé à parler globalement des Arméniens, du Génocide ou des diverses exactions de l’Empire ottoman ou de la Turquie actuelle a été vécu comme une divine surprise par la plupart des Arméniens, descendants des rescapés du Génocide. Socialement parlant, ces personnes turques sont le plus souvent des intellectuels très occidentalisés et pro-européens et leur discours s’insère parfaitement dans la critique politique du kémalisme, de l’ultranationalisme et, d’une manière générale, des tendances autoritaires de la société et de l’Etat turcs. C’est donc très naturellement que ces personnes ont été perçues de manière enthousiaste par l’intelligentsia européenne en générale, et par ce que j’appellerai le consensus liberal-socialiste, c’est-à-dire par cette partie importante des décideurs politiques de l’Union qui identifie le nationalisme à l’ultranationalisme et qui voit dans le système libre-échangiste – éventuellement accompagné de garde-fous sociaux – la résolution de tous les problèmes politiques, culturels et identitaires.

mardi 6 janvier 2009

L’Europe à la croisée des chemins

De nombreux acteurs de l’Union européen ont récemment cru déceler un changement de nature, ou à tout le moins un changement de mode de fonctionnement de l’Union européenne. Des observateurs aussi avertis que Sylvie Goulard, la présidente du Mouvement européen, ou Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d’Etat chargé des affaires européennes durant la présidence française ont tout deux noté l’ascendant pris par le Conseil européen – en clair les chefs d’Etats des 27 – sur une Commission européenne jugée effacée, lente et inefficace.

Dit dans le jargon européen, l’Union serait ainsi devenue plus intergouvernementale et moins communautaire ; Selon Jean-Pierre Jouyet, elle aurait également troqué son « soft power » contre un classique comportement de puissance plus conforme à son importance réelle sur la scène internationale. Il faut effectivement reconnaître que l’activité – sinon l’activisme – de Nicolas Sarkozy sur la crise géorgienne comme sur la crise financière ont objectivement redoré le blason européen sur la scène internationale tout en réduisant la Commission à un rôle peu gratifiant d’auxiliaire technique, de secrétariat général bis du Conseil.

Si on peut difficilement ne pas souscrire à ce constat, on doit cependant s’interroger sur ses causes, sur la pérennité de ce nouveau paradigme européen et surtout sur les limites de l’exercice. En effet, comme l’admet M. Jouyet, nul changement institutionnel n’est à l’origine de cette évolution qui, somme toute, a été conjoncturellement liée à la personnalité empressée du président de la République.

Plus inquiétantes en revanche sont les conditions de renationalisation – le mot est de Mme Goulard – qui ont ainsi permis à M. Sarkozy de jouer les Monsieur Bons Offices au nom de l’Union. Car il est à craindre que ces circonstances soient dorénavant les mêmes pour des Etats moins bien disposés que la France envers la chose européenne. Passe encore dans le cas d’Etats moyennement influents comme la République Tchèque qui assure actuellement la présidence ; Mais qu’en sera-t-il dès lors que la Suède (juillet 2009) ou que le Danemark (janvier 2012) seront aux commandes ? Qu’en sera-t-il surtout dès lors qu’une présidence peu active laissera le champ libre à la Commission pour appliquer ses mauvaises recettes trop atlantistes et trop libérales au détriment de l’intérêt commun qu’elle est censée représenter ?

Clairement, cette logique qui a déjà causé les rejets successifs de la Constitution européenne puis du Traité de Lisbonne constitue donc un danger mortel pour l’Union, celui du champ clos des rivalités et des ambitions contraires. Tout aussi clairement, c’est cette logique qui empêche depuis des années la mise en place d’une Europe sociale – d’une Europe – rempart, que nos concitoyens européens appellent pourtant régulièrement de leurs vœux.

Il est par ailleurs extrêmement douteux qu’elle ait permis de faire passer l’Europe « de l’influence à la puissance » pour reprendre le propos de M. Jouyet : car une Union divisée et cacophonique peut difficilement se faire entendre avec efficacité. La confusion apportée par l’ingérence du Président français dans le conflit israélo-palestinien durant la présente présidence tchèque – alors même qu’une troïka européenne s’est rendue sur place – en constitue un exemple très actuel.

Au contraire, une Europe divisée et flottante au gré des présidences successives reste pusillanime et velléitaire face aux grandes puissances, voire face aux puissances moyennes. Au final, la « puissance » de l’Europe ne s’applique alors dans toute sa rigueur qu’aux régions du monde n’intéressant que peu les grandes diplomaties nationales, celles des pays les moins avancés où s’exerce alors avec une rigueur implacable les politiques de la Commission. Il n’est que de voir par exemple la façon dont celle-ci a tenté d’imposer les « accords de partenariat économique » aux pays africains ou la manière avec laquelle elle manie avec une indignation sélective les questions de Droits de l’Homme.

Le remède ? Plus de démocratie directe certainement. Tant que l’Europe ne sera perçu que par le prisme des enjeux et des leaders nationaux, il y a peu de chance de voir la situation évoluer dans le bon sens, celui qui verrait l’émergence d’une véritable opinion publique européen et la prise de contrôle directe de cette opinion citoyenne sur la Commission.
Mais plus de démocratie directe – c’est-à-dire plus de pouvoir au Parlement européen – signifie l’adoption de nouveaux mécanismes institutionnels qui ont précisément été rejetés avec le reste de la Constitution européenne. Il est vrai que si cela avait été le résultat escompté, on ne s’y serait pas pris autrement : A mélanger le bon grain de la réforme institutionnelle et l’ivraie de dogmes socioéconomiques, les responsables de l’Union ont pris le risque hélas trop avéré de voir les citoyens de l’Union rejeter les premiers avec les seconds.

Il faudra donc maintenant faire preuve d’imagination – assortie d’une bonne dose de pédagogie – afin de proposer une réforme simple, compréhensible, limitée aux mécanismes institutionnelles et exempte de biais idéologiques afin de réconcilier l’Europe avec ses citoyens. Cela prendra du temps mais il n’est d’autre voie si l’on conserve réellement quelque ambition pour le projet européen.