Comme le dieu Wishnou, ma presse aura cent bras, et ces bras donneront la main à toutes les nuances d’opinion quelconque sur la surface entière du pays. On sera de mon parti sans le savoir. Ceux qui croiront parler leur langue parleront la mienne, ceux qui croiront agiter leur parti agiteront le mien, ceux qui croiront marcher sous leur drapeau marcheront sous le mien.
Dialogue aux Enfers entre Machiavel et Montesquieu, Maurice Joly
L’oubli, et je dirai même l’erreur historique, sont un facteur essentiel de la création d’une nation, et c’est ainsi que le progrès des études historiques est souvent pour la nationalité un danger. […] Or l’essence d’une nation est que tous les individus aient beaucoup de choses en commun, et aussi que tous aient oublié bien des choses
Qu’est-ce qu’une nation ? Ernest Renan
Le fait qu’au début des années 2000, un nombre significatif de Turcs aient commencé à parler globalement des Arméniens, du Génocide ou des diverses exactions de l’Empire ottoman ou de la Turquie actuelle a été vécu comme une divine surprise par la plupart des Arméniens, descendants des rescapés du Génocide. Socialement parlant, ces personnes turques sont le plus souvent des intellectuels très occidentalisés et pro-européens et leur discours s’insère parfaitement dans la critique politique du kémalisme, de l’ultranationalisme et, d’une manière générale, des tendances autoritaires de la société et de l’Etat turcs. C’est donc très naturellement que ces personnes ont été perçues de manière enthousiaste par l’intelligentsia européenne en générale, et par ce que j’appellerai le consensus liberal-socialiste, c’est-à-dire par cette partie importante des décideurs politiques de l’Union qui identifie le nationalisme à l’ultranationalisme et qui voit dans le système libre-échangiste – éventuellement accompagné de garde-fous sociaux – la résolution de tous les problèmes politiques, culturels et identitaires.