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L'enlèvement d'Europe par François Boucher |
Le refus de l’Union européenne d’opposer la reconnaissance du Génocide des Arméniens à la candidature turque est le plus choquant des stigmates de l’abdication de ses valeurs par l’Europe. La licence morale dont découle ce choix – pendant éthique du libéralisme socioéconomique – est directement responsable de la résurgence des mouvements identitaires européens que l’Union prétend combattre.
Le 18 juin 1987 le Parlement européen avait voté une résolution « pour une solution politique à la question arménienne » dans laquelle il estimait que « le refus de l'actuel gouvernement turc de reconnaître le génocide commis autrefois contre le peuple arménien par le gouvernement «jeunes Turcs», sa réticence à appliquer les normes du droit international dans ses différends avec la Grèce, le maintien des troupes turques d'occupation à Chypre ainsi que la négation du fait kurde, constituent, avec l'absence d'une véritable démocratie parlementaire et le non-respect des libertés individuelles et collectives, notamment religieuses, dans ce pays, des obstacles incontournables à l'examen d'une éventuelle adhésion de la Turquie à la Communauté ». Près de 25 ans plus tard, le Parlement européen pourrait renouveler son constat sans en changer une virgule. Mais il ne le fera pas. Non pas que la Turquie ait progressé sur ces différentes questions, mais parce que l’Europe a régressé dans la défense et la promotion de ses valeurs fondatrices.
La question du Génocide des Arméniens et de sa reconnaissance est un marqueur particulièrement fiable de cette régression. Initialement posée comme un « obstacle incontournable à l’examen d’une éventuelle adhésion », cette question a été ramenée sous l’influence du lobby turc et de ses affidés au statut d’une question à évoquer en cours de négociations puis à ne plus évoquer du tout.