vendredi 25 novembre 2011

Gros plan sur le Dersim avec Seyfi Cengiz

Seyfi Cengiz
J'ai récemment commenté les très hypocrites "excuses" du Premier Ministre turc au sujet des massacres perpétrés par la Turquie dans la région montagneuse du Dersim en 1938. Afin d'éclairer l'identité méconnue des habitants Kizilbaches de cette région, il m'a paru utile d'exhumer une interview que j'avais réalisée de Seyfi Cengiz, le président en exil du Front de Libération du Dersim. Cette interview , était parue dans le mensuel France-Arménie en janvier 2009 sous le titre "Dersimis et Arméniens se battent pour les mêmes droits". On y lit notamment que l'identité des Dersimis a été combattus et quasiment détruite par les Turcs mais également indûment récupérée par le mouvement kurde pendant des années.

Pouvez-vous préciser pour nos lecteurs quels sont les traits spécifiques des Dersimis lorsqu’on les compare aux Turcs ou aux Kurdes ? 

L’identité des Dersimis – les gens du Dersim – réside dans leur culture religieuse Kizilbache/Alevi[1] et dans l’emploi du dialecte Dimilki qu’on appelle aussi le Kirmanki ou le Zazaki. C’est ce qui les distingue principalement des Turcs et des Kurdes qui sont musulmans. On peut également mentionner leur grande proximité avec les Arméniens ainsi que l’aide qu’ils leurs ont témoignée durant les massacres. 

mercredi 23 novembre 2011

Dersim: l'offense redoublée d'Erdogan

Il est excuses plus insultantes encore que l'offense qu'elles sont censées racheter. En matière d'obscénité politique, force est de reconnaître que le Grand Turc vient de repousser les limites: Selon plusieurs dépêches de presse de son pays, Recep Tayyip Erdogan, le Premier ministre a récemment déclaré : "S'il y a des excuses à présenter au nom de l'Etat (...) je voudrais présenter mes excuses et je présente mes excuses" à propos des massacres de masse commis en 1938  par l'armée de la République kémaliste naissante dans la région reculée du Dersim.

Willy Brandt - Varsovie, 1970.
Nul doute que les zélateurs d'Ankara sauteront des deux pieds sur l'opportunité et sur la méconnaissance de la réalité turque par les Occidentaux pour présenter ces "excuses" comme un indice révélateur des "progrès de la Turquie" et autres billevesées. Parmi les extrapolations aventureuses qu'ils en tireront, se trouvera sûrement la prophétie que ces "excuses" pourraient constituer un prélude à une prochaine  demande de pardon à propos du génocide des Arméniens. Bref, on entendra sous peu formulée la comparaison pour le moins osée entre l'actuel homme fort d'Ankara et l'ex-chancellier allemand Willy Brandt qui s'était agenouillé avec sincérité, courage et dignité devant le mémorial du Ghetto de Varsovie en 1970 et qui avait effectivement engagé son pays dans une démarche de contrition et de réparation .

jeudi 10 novembre 2011

De bien-pensantes imprécations

Marine Le Pen
Je peux bien l'avouer, j'ai un vice : il m'arrive fréquemment d'écouter les "Matins de France-Culture". Le débat d'idée y est généralement à fleurets mouchetés, entre gens de bonne compagnie - de gauche ou de droite (mais de gauche, c'est quand même préférable pour la direction des Matins !) - et toujours bien-pensants. Les propos y sont mesurés, les idées calibrées et les amabilités aimables.

Hier par exemple, comme avant-hier d'ailleurs, j'ai succombé à  cette coupable tentation de m'illusionner à participer par procuration aux débats des grands de ce monde à travers l'écoute attentive cette émission. En fait, j'allais changer de station lorsque Marc Voinchet, l'actuel animateur des Matins, a annoncé l'invitée du jour Marine Le Pen. Quelque peu surpris par l'affiche d'une hôte aussi peu en phase avec l'esprit de l'émission, je me suis pris au jeu de savoir comment le leader frontiste serait "gérée" par l'équipe des Matins et, accessoirement, ce qu'elle avait à dire.

jeudi 3 novembre 2011

Ragip Zarakolu: la bonne conscience de la Turquie criminelle

Ragip Zarakolu arrêté: une iniquité et une obscénité 
Il y a quelques jours, mon ami Ragip Zarakolu a été arrêté par la police de son pays, la Turquie. L'arrestation de Ragip, avec celle de Busra Ersanli, apparaît comme le point d'orgue d'une véritable rafle qui a mis aux arrêts tout ce que la Turquie compte de militants de la cause Kurdes, d'activistes des Droits de l'Homme, de syndicalistes, d'éditeurs indépendants et d'observateurs critiques du pouvoir en place. Bien évidemment, les intellectuels de connivence - que j'ai dénoncés autrefois - ne furent pas inquiétés par cette opération.

Si j'en ai le loisir, je reviendrai peut-être sur les raisons qui conduisent maintenant l'Etat turc à procéder à ces arrestations éminemment politiques; de toute façon, elles sont déjà connues de ceux qui s'intéressent à ce pays: En une phrase, il s'agit simplement d'une agression visant d'une part à laminer toute possibilité de protestation interne concernant la sale guerre que mène Ankara contre ses propres citoyens kurdes, et d'autre part à neutraliser l'avènement d'une représentation démocratique des Kurdes au sein du Parlement turc. Ce n'est certainement pas un hasard si la rafle du 5 octobre rappelle tellement un certain 24 avril, ni si elle survient précisément après la reprise de l'offensive turque au Kurdistan et après l'annonce du retour du BDP au Parlement.

Mais je voudrais ici évoquer Ragip, l'homme, et le peu que je sais de son engagement. En Turquie et hors de Turquie, Ragip est un symbole. Ce n'est d'ailleurs pas pour rien si son arrestation a déclenché un tollé international là où les arrestations précédentes n'avaient provoqué que des réactions d'organisations spécialisées (à ce sujet, j'invite tout un chacun à signer les pétitions qui dénoncent son arrestation).