lundi 2 décembre 2019

« Minorités d’Orient » : un regard sans concession sur la situation des Chrétiens au Proche-Orient

C’est un ouvrage aussi salutaire que remarquable que viennent de publier les Editions du Rocher. Sous la plume alerte de Tigrane Yégavian, « Minorités d’orient » vient très opportunément nous livrer un panorama sans complaisance de la situation au Proche-Orient de ceux que l’auteur appelle « les baptisés ». S’inscrivant dans un temps long, cette véritable anamnèse se démarque des habituelles analyses conjoncturelles pour montrer combien la situation actuellement critique des Chrétiens d’Orient – auxquels il adjoint les Yézidis – résulte de facteurs très variés dans le temps et dans l’espace, où le jeu politique des puissances régionales et internationales ont tout autant compté que les choix parfois malheureux des intéressés.

L’intérêt de « Minorités d’Orient » tient ainsi pour beaucoup à la récusation opérée par l’auteur de toute explication englobante ou de toute cause univoque aux situations par ailleurs très diverses vécues par ces différentes communautés. Non, le sort d’un Chaldéen d’Irak ne ressemble guère à celui d’un Grec orthodoxe d’Alep ; Non le destin d’un Yézidi du Rojava ne saurait se comparer à celui d’un Copte d’Alexandrie. Si l’on devait d’ailleurs formuler une critique envers l’auteur, c’est bien celle de croire que son lectorat puisse être aussi à l’aise que lui dans les mille et une portes confessionnelles et politiques de cet Orient compliqué. Des tableaux synoptiques des différentes Eglises non chalcédoniennes ou uniates détaillant ce en quoi elles diffèrent en termes christologiques et liturgiques auraient été bienvenus de même que leur pendant en matière de mouvements ou de mouvances politiques. Des cartes locales plus détaillées – autour de la plaine de Ninive, au Rojava ou en Syrie « utile » auraient aussi agréablement complété cet essai.

lundi 18 novembre 2019

De la continuité de l'Etat criminel turc

Voici un petit ouvrage des éditions Sigest qui sera fort utile à ceux qui veulent comprendre la permanence des structures et des comportements criminels de l’Etat turc. « Le recyclage des criminels jeunes-turcs » rappelle en effet de manière concise comment la Turquie kémaliste fut conçue et fondée au premier chef par de hauts responsables du Comité Union et Progrès (CUP), sans réelle rupture avec la dictature précédente par le biais de laquelle ils perpétrèrent le Génocide des Arméniens au cours de la Première Guerre Mondiale. 

En termes historiographiques, cette monographie apporte sans doute peu d’éléments nouveaux au regard de la connaissance scientifique sur laquelle elle s’appuie explicitement. Les travaux pionniers d’Erich-Jan Zürcher, de Saït Çetinoglu et de Vahakn Dadrian puis ceux de Raymond Kevorkian, de Taner Akçam et de Selim Deringil sont dûment et abondamment cités ainsi que ceux de cette nouvelle génération d’historiens turcs qui abordent sans tabou l’histoire de leur pays : Mehmet Polatel, Ümit Üngor ou Fuat Dundar. En ce sens, « Le recyclage des criminels jeunes-turcs » apparaît comme un ouvrage d’introduction et de synthèse utile au lecteur désireux de se faire une culture sur la question avant que d’aborder des ouvrages spécialisés.